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(The first two questions of the interview are lost).
Selon vous, quel est le secret de cette alchimie artistique entre vos deux forces d’inspiration ? Aussi, comment vous rèpartissez-vous le travail au sein du groupe ?
Il y a une grande affinité musicale entre nous, c’est vrai, cela est plutôt rare et un peu inexplicable. C’est le musicien le plus sensible avec qui j’ai eu l’occasion de travailler. La plupart des pièces sont de moi, alors j’en partage avec lui des versions déjà composées et structurées à la voix (je me penche sur les paroles ensuite) et un autre instrument (la guitare, le plus souvent) et lui ajoute ses partitions. J’ai toujours eu confiance que ses arrangements seraient à coup sûr appropriés et magnifiques, et donneraient vie à mes chansons. Une seule exception à cette façon de faire fut pour ce EP, Remembrancer, publié en février dernier sur notre Bandcamp. Nous avons inversé les rôles et j’ai ajouté voix et paroles sur deux de ses pièces que j’aimais, l’une au piano, et l’autre à la guitare. J’aime aussi travailler sur la musique des autres, mais je n’en ai pas souvent l’occasion.
Quels sont les grands thèmes philosophiques (mort, religion, etc.) qui vous inspirent lorsque vous composez de la musique ? Que ressentez-vous comme émotions / sentiments lors de ces phases d’exaltation artistique ?
La musique en tant que telle vient naturellement, et n’est motivée ni par des thèmes ni par des sentiments en particulier, sauf par une certaine tension intérieure bien sûr, abstraite le plus souvent mais dont la cause est parfois identifiable. Les thèmes qui nourrissent mon écriture varient suivant mes préoccupations et mes lectures. La psychologie de Jung, l’alchimie, les écrits gnostiques, divers mythes et contes, pour ne citer que les plus importants, sont depuis plusieurs années des stimuli créatifs formidables qui me permettent d’exprimer et de transcender mes expériences personnelles. Cet album est étroitement relié au temps, non seulement dans les thèmes mais dans le processus créatif en tant que tel. Il s’agit de matériel du passé qui est remonté à la surface et s’est enfin donné à lire, un peu comme des rêves dont je ne savais pas à l’époque en connaître la signification, ou comme des noyés tout bouffis qui, une fois retirés de l’eau, lui permettent de reprendre son cours (l’élément “eau” est prédominant sur cet album) et de se purifier. Un album à propos de rédemption, de mort, mais de celle qui engendre une vie nouvelle.
Au risque de me tromper, les deux albums de Preterite me semblent stylistiquement assez proches (hormis bien sûr cette guitare en premier plan de From the Wells et qui donne le ton de l’album). Selon vous, en quoi se distingue From the Wells de Pillar of Winds ? Pouvez-vous également me détailler le processus de composition de From The Wells ?
Les deux albums ont à peu près la même instrumentation, hormis mon set up de Menace Ruine que l’on retrouve dans deux des pièces de POW, qui est un album un peu plus abstrait, et contemplatif je dirais, mais la différence majeure réside effectivement dans le fait que les six pièces de FTW ont la même base de guitare électrique jouée clean, sur laquelle James a ajouté nos instruments caractéristiques. J’ai laissé la guitare de côté au début des années 2000 après avoir composé plus d’une vingtaine de pièces, la plupart sans mots. Lorsque ma condition s’est améliorée, j’ai repris la pratique de mon instrument en jouant quelques-unes de ces pièces, dont Synagogue sur POW, et cinq des six pièces de FTW, la dernière, Broken Sea, étant une composition plus récente. James fut inspiré naturellement par ces pièces, et je me suis penchée sur les paroles qui miraculeusement me sont apparues cette fois. Nous avons enregistré et mixé les versions finales au cours de l’année 2011, et début 2012. C’était important pour moi de terminer cet album avant de me lancer dans une année bien chargée de projets avec Menace Ruine, écriture et enregistrement de notre cinquième album paru l’automne dernier, suivi de tournées. à présent je sais que From the Wells est un album de transition pour moi, et que la suite sera plus fluide, d’autant plus que Steve de Menace Ruine et moi-même avons saisi l’occasion de cette sortie pour fonder notre propre étiquette, Union Finale.
Votre musique d’inspiration gothique est clairement imprégnée de rock psychédélique (l’approche des claviers sur par exemple « Broken Sea » me conforte dans cette impression). Quelles sont vosmaccointances avec cette musique ? Pensez-vous que la musique de Preterite est un condensé d’énergie positive ou au contraire unempoésie pour dépressifs, sombre et angoissante ?
Je n’entends pas l’inspiration gothique dans notre musique... Peut-être une certaine couleur, ou certains thèmes ? Nous parlions de la mort plus tôt... Je comprends le lien avec le psychédélique dans Broken Sea, pour sa finale répétitive et ‘drony’, quoique ce soit le mariage de la guitare et de l’harmonium qui produise l’effet dont tu parles, et non du clavier. L’harmonium est formidable avec son aspect respiratoire pour nous qui n’utilisons pas de percussions.
La musique de Preterite est empreinte d’un désir de vie. Il y a une certaine tristesse mais toujours de l’espoir, et une volonté de transformer la noirceur en lumière. J’ai gardé intact le seul texte de l’album datant de cette période sombre où la plupart des pièces ont été écrites, Gleaming Escape, même si je suis ailleurs maintenant. Il y a beaucoup de lumière dans les profondeurs, mais sans la foi, nous n’y avons pas accès. Je ne le savais pas encore à cette époque...
L’artwork de From the Wells est magnifique, coloré, épuré etmdoit faire référence probablement à un symbolisme ésotérique. Pouvez-vous me donner votre interprétation personnelle ? Est-ce que l’aspect visuel compte pour Preterite ?
Merci pour tes bons mots ! Oui, le visuel compte beaucoup car il accompagne la musique et la complémente. Nous ne tenons pas à utiliser nos ‘portraits’ pour représenter notre musique (elle n’a plus besoin de nous pour vivre à ce stade) et préférons laisser le champ libre à l’imagination, la participation de l’auditeur. Les images sources du ‘artwork’ proviennent de l’oeuvre du peintre portugais Francisco de Holanda (1517-1585). La couverture est une peinture de la formation du monde et ce qui m’a immédiatement fascinée lorsque James me l’a fait découvrir, c’est sa profondeur, et son pouvoir d’attraction, comme si elle cherchait à nous absorber. Il y a quelque chose d’actif dans cette image je trouve, qui rappelle aussi le puits sur le bord duquel on se penche, dans lequel on peut se laisser tomber mais aussi puiser des merveilles puisque la source de la vie est intarissable.
Merci pour la sincérité de vos réponses, de votre attention. Si vous souhaitez préciser une pensée, me parler un peu de votre label Union Finale, ajouter quelque chose qui vous tient particulièrement à coeur, c’est le moment et je vous lirai avec plaisir. Obsküre Magazine et moi-même apprécient votre musique et vous souhaitent une concentration d’énergies positives pour les périodes à venir. Je bouge pas mal dans les salles de concerts en Europe, au plaisir donc de vous y croiser !
— Yänn